Oublier Camille ...

Publié le par Laurette

Oublier Camille - Gaël Aymon - Actes Sud Junior - 2014

Oublier Camille - Gaël Aymon - Actes Sud Junior - 2014

Un petit roman court qui en dit long pourtant sur cette période un peu folle qu'est l’adolescence.

Une période où l'on navigue à vue, toujours entre deux eaux. On ne sait plus vraiment qui l'on est, où l'on va et d'où l'on vient. Perte totale de repères, plus rien n'est acquis, plus rien n'est simple, on se sent seul, fragile, perdu, en constante remise en question.

Un âge où l'amour ressemble à un bouée de secours mais peut tout autant détruire une confiance en soi déjà très instable.

Yanis, notre jeune héros de 16 ans, est perdu, il ne sait plus comment réagir avec Camille. Il l’aime tellement, d’un amour si pur, si intense, si profond qu’il ne parvient pas à lui déclarer sa flamme. Un amour qui dure pourtant depuis 3 ans. Camille elle, a eu du courage pour deux en lui avouant son amour. Mais Yanis n'a pas trouvé les mots. Lassée d'attendre sa réponse, Camille commet l'irréparable et décide finalement de passer le cap avec d’autres garçons. De retour de vacances, elle regrette déjà et lui écrit une longue lettre d'excuses avec l'attente d'un pardon, d'un geste, d'un regard.

C’est cette lettre, visiblement d’une grande violence pour Yanis qui démarre le roman. On en découvrira une partie du contenu, chapitre après chapitre mais l’essentiel est ailleurs car plus que son contenu, le vrai propos du livre c’est tous les questionnements que cette lettre déclenche chez Yanis.

C’est quoi à la fin être un homme, aimer comme un homme, qu’aurais-je du faire pour la retenir, la garder, comment se comportent les hommes avec les femmes, faut-il absolument faire l’amour pour ressentir l’amour ou faire l’amour finalement ne gâche t-il pas tout ? Et puis finalement faire l’amour c’est comment ? Yanis de cette affaire là ne sait rien, rien d’autre que ce qu’il a découvert dans les films pornos, ce qu’il imagine en croisant les filles de joies sur le trottoir, ou qu’il comprend dans le sex-shop où il rentre un jour, avide de réponses.

Et puis, si finalement il était homo ? Il va même jusqu’à accepter l’invitation d’un type croisé par hasard pour en avoir le cœur net … et puis non, ce n’est pas ça l’explication.

Son père n’a jamais existé pour lui, sa mère est absorbée par ses propres problèmes, à qui pourrait-il donc parler, se confier ? Qui pourra l’aider à comprendre qui il est, ce qu’il traverse et comment en sortir ??? Ses potes ? ce serait admettre qu’il ne sait pas, qu’il n’est pas vraiment en couple avec Camille alors que tout le monde le croit et qu’il n’a jamais démenti…

Puis un jour, arrive un oncle d’une dizaine d’années de plus que lui. Acteur, Il est de passage dans la ville de Yanis pour jouer une pièce. Et c’est lui, cet oncle que Yanis a toujours un peu admiré, qui va déloquer la situation, avec calme, sans jugement, sans long discours… mais avec des mots, des textes, ceux des auteurs qu’il jouent.

Yanis à l’impression que les textes parlent de lui, de ce qu’il ressent …. Enfin il se sent normal, et il a les mots pour le dire, pour crier son amour à Camille, ce ne sont pas les siens, mais ça lui ressemble, il se reconnait dans ces mots, c’est ainsi qu’il a envie de déclarer sa flamme à celle qu’il aime.

C’est dans ces textes qu’il puisera le courage d’affronter sa vie, son histoire, de dépasser ses limites, ses peurs légitimes d’adolescent.

Car c’est aussi ainsi je trouve que l’on peut grandir à l’adolescence, en empruntant les textes et les mots des autres. Lire c’est aussi comprendre la part sombre de soi-même, la plus indescriptible, celle que l’on ne parvient pas à expliquer faute de trouver les mots justes pour le faire… mais les auteurs savent eux, trouver les mots, c’est leur métier, ils posent des mots sur des maux pour éclairer le monde, les sentiments et tout ce qui nous traverse.

Et en cela, ce livre est une aussi une belle déclaration d’amour à la littérature.

Ce petit roman est fort, simple, limpide, essentiel … il est court, mais tout est dit. L’écriture de Gaël Aymon est bienveillante et d’une belle justesse.

Il est si difficile de présenter l’adolescence, ce roman en donne une coloration, et probablement la plus essentielle, celle de la quête d’identité.

Et Yanis est un jeune homme tendre, sensible, respectueux, à la marge de nombreuses représentations de « l’adolescent type » souvent décrites.

Et pourtant, pour avoir travaillé de nombreuses années avec des adolescents, et principalement des garçons, j’ai rencontré beaucoup de Yanis, même si peu ont eu la chance de croiser le chemins de jolis textes, le chemins des mots pour oser exprimer cette part d’eux-même.

Je ne sais pas ce que ce livre donne entre les mains des adolescents mais il résonne en moi.

Il rappelle à moi évidemment, les souvenirs d’une adolescence fragile et trouble, mais que je regarde aujourd’hui avec plus de tendresse, mais aussi la quête de sens et d’identité que je poursuis encore car je crois qu’elle ne s’arrête jamais.

Chaque expérience, chaque rencontre, chaque tempête nous y replonge avec plus ou moins de sérénité … alors, il suffit de se questionner, de chercher des réponses … et, sur le chemin de la quête, il y a les livres, … et Oublier Camille en fait parti ! Merci Gaël Aymon.

Je vous invite à retrouver d’autres chroniques …

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B
Quel bel article! <br /> Je replonge avec plaisir dans les souvenirs de cette lecture! <br /> Oui oui Nath, il faut que tu découvres l'écriture de Gaël Aymon!<br /> Merci pour le partage :-)<br /> Bises
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L
Merci Blandine ... il me tarde de découvrir d'autres titres de Gaël Aymon ...
N
Gaël Aymon. Voilà un nom que j'ai croisé à plusieurs reprises. Je n'ai encore jamais pris la peine/ le temps plutôt (il y a tellement de livres !!) de lire un de ses romans. Mais ta chronique m'a convaincue, je vais tester celui-ci ! Bisous.
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L
et bien belle lecture Nath, tu nous diras ce que tu en as pensé