Les bienfaits du bavardage ...
Il y a quelques jours, je découvrais la chronique de Blandine sur la classe pipelette, le dernier ouvrage de Susie Morgenstern. C'est par ici http://vivrelivre19.over-blog.com/2014/09/la-classe-pipelette-susie-morgenstern-des-8-ans.html.
Chacun ses coups de cœur, et moi, jusqu’à présent il n'y avait pas un seul de ses albums, un seul de ses romans que je n'avais pas sincèrement aimé... (voir par exemple mes coups de cœur pour Lettres d'amour de 0 à 10 par ici http://casalaurette.over-blog.com/2014/04/famille-s-je-vous-aime.html ou pour Joker par là http://casalaurette.over-blog.com/mes-coups-de-coeur-toutes-cat%C3%A9gories.html ) et sur cerise sur le gâteau pour moi, le livre ne semble pas faire l’unanimité alors je ne ne résiste pas, ni une ni deux, petit tour à la librairie, magie de la carte bleue, le tour est joué, l'affaire est dans le sac, on rentre à la maison et on s'y mets...
Et bien, malheureusement la magie cette fois n'a pas opérée , ... je me doutais que la fin serait décevante, Blandine l'avait annoncé... mais c'est tout le livre qui m'a déçu en fait.
Sur la forme, je rejoins Blandine et remarque quelques trouvailles comme les "témoignages" des élèves en miroir au désarroi de l'enseignante qui ont au moins le mérite de mêler les points de vue et nous montrer qu'un élève pense ... j'imagine que certains pouvaient encore en douter donc autant le signaler ... et oui : un élève bavarde et un élève pense aussi...
Pour le reste c'est une autre affaire ... je commence par le style ... il est tranché et cru, beaucoup trop à mon goût, et j'aurais pu adhérer si les propos prêtés aux élèves et aux enseignants avaient sonné juste mais je n'y ai pas cru deux secondes. Je ne suis pas sûr d'ailleurs qu'élèves et enseignants s'y retrouvent réellement... Un extrait et un seul pour en témoigner (propos d'un élève) :
« Je hais, je déteste, j’exècre l’école. Je ne suis pas du genre vomisseur, mais je vomis intérieurement toute la journée, vissé à cette chaise abominable, enchaîné à ce bureau de misère. » (Renaud)
Je passe enfin, au fond de ce livre qui m'a réellement dérangé ... le sujet et le parti pris est, de mon point de vue assez réducteur... mais peut-être que mes souvenirs d'élève bavarde influence mon jugement ... peut-on vraiment faire un roman d'un sujet comme celui-ci ? Je ne doute pas que ces incessants bavardages puissent perturber les enseignants mais de là à évoquer un traumatisme, à imaginer une dépression nerveuse ...???? Peut-être devrais-je envisager de recontacter tous mes anciens profs pour leur demander pardon ???
Pour être tout à fait claire, j'ai beaucoup de respect pour le corps enseignant en général, la pression et l'insécurité quotidienne à laquelle ils doivent parfois faire face, le moral d'acier dont il doivent se doter pour affronter élèves et parents parfois clairement démotivés mais le problème peut-il se résumer au bruit de fond dont nous parle Susie MORGENSTERN ? Le malaise de l'école - et malaise il y a, pour travailler en partenariat avec l'école, j'en suis témoin régulière - me semble bien plus profond ... aujourd'hui, nous avons perdu confiance en notre école, et j'en suis sincèrement attristée... car je défend bec et ongles l'idée que nous ne pouvons pas imaginer un avenir sans école...
Mais Il y a toujours plusieurs façons de prendre la vie, et pour trouver le bon côté, il suffit parfois de retourner la situation ... ici l'enseignante mets toute son énergie à imaginer des méthodes pour obtenir le silence sans prendre le temps d'imaginer une manière d'utiliser l'envie et le besoin incontrôlable de bavarder de ses élèves. N'y a t-il finalement rien de bon dans les conversations privées de nos enfants ?? Pour prendre le temps quotidiennement de les observer et les écouter, nous en apprenons souvent plus par ce biais et il se joue souvent des enjeux bien plus importants dans ce bruit que dans le silence religieux d'une salle de classe du début du siècle où imagination, créativité, fantaisie n'avaient pas de place.
Bien sûr je ne peux pas nier les études qui nous montrent que le niveau scolaire baisse globalement dangereusement mais ne suis pas persuadée que le bavardage en soit la cause première ...J'ai 37 ans, et je vous confirme qu'il y a 30 ans, nous semblions être tout aussi bavards qu'aujourd'hui ... en témoigne en tout cas, tous mes bulletins scolaires sans exception, ainsi que ceux de la majorité de mes copains de classe de l'époque.
Le besoin de cette enseignante d'obtenir le silence comme seule marque de respect de son autorité me dérange. D'autant plus que je ne suis pas sûre que cela soit fidèle au sentiment d'une majorité d'enseignants qui utilisent aujourd'hui des pédagogies bien plus diversifiées, ludiques et actives et ne comptent pas sur la seule règle d'un enseignement descendant : " "quand je parle, vous vous taisez, et vous écoutez"... j'y entend parfois "apprenez bon sang, mais apprenez !!! " ... cela me rappelle, que, comme le suggérait PENNAC, dans son formidable ouvrage Comme un roman, certains verbes supportent mal l'impératif ... il parlait alors du verbe lire, aimer, rêver mais l'on pourrez rajouter le verbe apprendre ... car apprendre nécessite une implication de l'élève, une motivation, un sens, et ne peut réellement s'ordonner et donner de véritable résultats.
Extrait n°1: "Le verbe lire ne supporte pas l'impératif. Aversion qu'il partage avec quelques autres : le verbe "aimer", le verbe "rêver"..."
Extrait n°2 : " C'est le propre des êtres vivants de faire aimer la vie, même sous la forme d'une équation du second degrés, mais la vitalité n'a jamais été inscrite au programme des écoles;"
Ce livre est une véritable bouffée d'oxygène et je vous invite d'ailleurs à préférer cette lecture que cette classe pipelette ... mais ce n'est que mon point de vue bien sûr et je ne peux que vous inviter à vous faire le votre...
Pour compléter mes propos, une autre chronique à lire par ici https://lireaujourlejour.wordpress.com/2014/08/26/la-classe-pipelette-susie-morgenstern/
En conclusion, je n'ai pas franchement apprécié cette lecture mais elle m'a fait réfléchir. Je comprends mieux que ce livre ai pu, quelque peu, déranger (enseignants, libraires, parents ...) mais reste et resterai opposée à la censure car c'est ainsi qu'une opinion se forge, chez les enfants comme chez les adultes. Toutes les opinions doivent impérativement s'exprimer sinon comment saurions nous faire des choix et le monde ne peux évoluer qu'à la seule condition que nous puissions faire des choix éclairés ... A bas le prêt-à-penser, et, en ce lendemain de commémoration, nous ne pouvons pas nier les dégâts causés pas la pensée unique (quelle qu'elle soit d'ailleurs), je ne peux donc qu'encourager toutes les lectures, qu'elles aient été ou non un plaisir tant qu'elles nous donnent à réfléchir... vive la littérature !